© Jean-Pierre Pelaez - 2021
Livret pour un oratorio
Editions l'Harmattan : 2022
- Douze scènes pour une comédienne/solo, orchestre - chœur et carillon.
LE JUGE
Mais comment aurais-tu fait,
Si tu n’étais pas sorcière,
Pour galvaniser les soldats,
Et les conduire à la victoire ?
Porteurs d’une force inexplicable,
Bouleversant toute stratégie,
Renversant les murailles,
Rien ne pouvait plus les arrêter…
JEANNE
Tu ne sais pas comment s’opère
Cette incarnation de l’Esprit
Qui porte les grands événements de l’Histoire.
Mais comment pourrais-je te l’expliquer,
Moi, qui n’ai pas vingt ans,
Comment pourrais-je te l’expliquer
A toi, un vieux juge à la tête remplie
De toute l’expérience de ce monde…?
Comment pourrais-tu comprendre cela,
Toi qui n’as foi en rien,
Sinon dans les raisonnements étroits
Dans les facéties politiques
Et dans les tractations des hommes…?
(comme se confondant soudain avec la cantatrice qui l’incarne)
As-tu déjà regardé les instrumentistes
Qui jouent dans un orchestre ?
Ils sont là, tous, devant nous,
Dans leurs corps sans éclat, pendus à leurs bedaines
Dans la brutalité, la lourdeur de leur chair
Leur petitesse et leurs mimiques infimes ;
Et soudain, au signal de leur chef,
Ils soufflent dans les cors et les flûtes,
Ils font vibrer violons et contrebasses
Et la musique jaillit, elle éclate et s’élève,
Et ils deviennent tous des porteurs de beauté,
Illuminés par ce chant venu du ciel,
Ce chant qu’ils transmettent
Et mettent au monde,
Ce chant qui magnifie leurs mains
Et donne à leurs visages
La grâce de nos saints, le sourire des anges.
Et de pauvre créature de chair qu’il était,
Chacun devient une part de cette musique…